brêve d'Apatou juin 2006


Oui, je ne te donne pas beaucoup de nouvelles, mais le temps passe vite sous l’équateur …… Dans un pays sans nom, sur la « ligne de partage des mots » au milieu du peuple du fleuve qui n’est ni du Surinam, ni de la France, mais du Maroni auquel il a donné son nom ! Cette situation génère bien des problèmes administratifs qu’ils affrontent ou plutôt ignorent avec une insouciance et une nonchalance extrême, au moins tant qu’ils vivent encore dans ‘l’intérieur » avec leur pôle linguistique et économique à Paramaribo, et leur pôle administratif on ne sait pas trop ou ! Bref rien à voir ici avec des réfugiés étant donné la liberté totale de circulation entre les deux pays (sauf pour nous qui devons acheter notre viser et le faire tamponner sur les deux rives …..Mais nous ne faisons pas parti des « africains du Maroni »).
Bon, tout ceci pour dire que je ne suis pas ici réellement en Guyane ! J’y retourne de temps en temps quand on descend voir des amis ou faire le marché à la « grande ville » de St Laurent du Maroni, avec un temps d’adaptation pour se réhabituer aux voitures….
Oui , physiquement ça va bien pour nous deux , on dort beaucoup et relativement bien ici , le rythme circadien immuable nous fait réveiller autour de 6 heures avec le soleil et à 22H rien ne peux nous empêcher de plonger dans le sommeil . Pour le reste, la lune de miel est passée, les difficultés de la vie dans une commune enclavée inimaginable en France, avec un soutien logistique d’une immense nonchalance de l’équipe technique locale du conseil général (piroguiers et personnes sensées lutter contre les moustiques) qui fait capoter tous les projets : pour illustrer ça lit un peu la lettre que je viens de faire pour mon directeur à Cayenne : » Monsieur le Directeur



Dans le cadre de ma mission de médecin responsable du CPV d’Apatou, je souhaiterais faire une courte tournée d’évaluation sur le secteur du Maroni allant d’Apatou à Grand Santi.
Ceci pour me permettre de prendre la mesure des réalités géographiques et humaines de cette zone. Je souhaite également rechercher des solutions à des problèmes rencontrés à Apatou en analysant les méthodes de travail dans ce centre qui reçoit une population sensiblement identique à celle d’Apatou.
A cet effet, je sollicite de votre part un ordre de mission pour trois jours début août, période d’activité plus faible, soit : mardi 1, mercredi 2 et jeudi 3. Mon transport sera assuré par les pirogues prenant habituellement en charge la logistique du CPV et du CS de Grand Santi.

Je dois également vous signaler l’annulation des missions fluviales que je viens juste de faire démarrer (une première mission de vaccination il y a 8 jours en aval d’Apatou) pour le motif d’absence de carburant. J’ai établi un calendrier précis de ces missions pour trois mois distribué et affiché dans les Campus, je l’ai fait valider par la PMI et le CAIT de St Laurent dès le mois de mai, et le responsable de l’équipe locale de l’UFT me sort cet argument pour ne plus continuer cette action il y a 8 jours…..
J’ai contacté à ce sujet le CAIT de St Laurent qui met lourdement en cause le fonctionnement de l’équipe d’Apatou ……affaire à suivre !


Veuillez croire, Monsieur le directeur, à mes sentiments respectueux.

Globalement, je dois reconnaître qu’on passe trop de temps à pester contre des gens qui vivent ici et se disent « cause toujours, tu sera parti dans deux ou trois ans comme tous les blancs depuis toujours, fait ta petite crise, mais ne t’épuise pas trop, ça nous fait du mal de te voir comme ça ! »Ils ont entièrement raison, nous finissons par avoir des comportements totalement névrotiques en voulant adapter de force des schémas administratifs et culturels qui n’ont aucun sens ici. Ils sont bien plus sains d’esprit que nous ! J’avais déjà constaté en Afrique l’absence de nos comportements névrotiques dans des contextes pour eux de grande misère. On imagine ici où la misère n’existe pas, chez des personnes protégées par les prestations sociales diverses ou mieux une rente de situation comme mon équipe de « zozos » assis sur leur pirogue dès 6h 30 du matin face au fleuve et qui devisent patiemment et souvent bruyamment en attendant que la matinée passe, disparaissent avant 13h ou beaucoup plus tôt en période de coupe du monde.
Il y a donc beaucoup de positif pour moi, un nouveau métier, de nouvelles relations, une nouvelle langue que j’utilise (Taki taki, ou mieux Bushi tongo, en fait c’est du Sranan tongo : lingua franca du surinam avec un peu de cette langue et l’anglais on vit très facilement au surinam)
Nicole a su aussi établir des relations , mais certains jours c’est assez difficile , elle n’a pas la stimulation professionnelle , elle s’occupe de notre petite maison en bois sur pilotis derrière le centre de soins et la pirogue banc de l’équipe logistique , elle fait une cuisine remarquable et adapté à tout ce que l’on trouve ici , elle fait même seule le marché à St Laurent ( presque quatre heures de pirogue pour revenir la semaine dernière à cause d’arrêts multiples et intempestifs , de chargements de tôles et de sacs de ciments…..).
Reste la forêt pas loin heureusement, mais autant je m’y sent immensément bien lorsque j’y suis seul hors des chemins et des sentiers, dans l’obscurité du sous bois éternellement tapissé de feuilles mortes, libre à la déambulation à condition de garder de bons repères….autant elle craint pour moi une fin effroyable !
Nous avons un régime de vents très stables Est – Nord est absolument tout le temps et depuis la fin du petit été de mars (en avril cette année), soit de la pluie toute la journée, soit beaucoup plus souvent de la pluie à partir de 16 ou 17 h quand l’atmosphère a suffisamment accumulé d’humidité apportée par les alizés prenant en écharpe la Guyane et drainant l’immense forêt au passage .
Henri

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