Il était une fois dans l'ouest

Plus le temps passe , plus je persiste à tenter de faire simplement ce pourquoi l’administration française m’offre ici le gîte et la solde , plus s’affirme en moi l’évidence d’une fausse route de ma part .
Je m’explique : A ce moment précis de mon existence présente , il m’est donné ici à Apatou , au milieu d’hommes et de femmes assez indifférentes à nos structures médico-administratives qui s’apparentent en matière de PMI , si on réalisaient les multiples visites contrôles prévues entre la naissance et 6 ans , à une véritable mise sous tutelle des parents , d’établir au-delà des mots , des mère ( passageécrits , une relation de soin entre moi et le bébé dans le ventre de sa mère , le bébé « libéré » de sa mère , le passage du 1 + 1 = 1 au 1 – 1 = 2) , l’enfant grandissant ….. Il m’est évidemment nécessaire du fait de ma mission officielle , de faire passer cette relation par l’épreuve du vaccin, mais je m’efforce de faire passer d’abord autre chose par le contact des mains, la palpation du corps, dès avant la naissance, plus que jamais j’en ressent aujourd’hui le besoin et privilégie ce « contact » à l’occasion d’un examen systématique ou immédiatement après le « passage » du vaccin. Je suis persuadé que cette population reste très fortement attachée à ce type de relation dite « magique » dont se moquent nos chers confrères …..Pour la première fois de ma vie je suis dans un terrain favorable, dans une situation professionnelle favorable à ce type de relation pour peu qu’elle reste au-delà des mots.
En fait pas tout à fait au-delà des mots car j’estime que l’emploi de formules d’apaisement dans leur langue , pourvu qu’elles soient correctes et parfaitement comprises , peuvent donner à l’imposition des mains un sens profond pour ces personnes .



Pour cela je m’efforce jour après jour de faire entrer dans mon foutu crâne cette langue si nouvelle pour moi !
Vu sous cet angle, et dans la mesure ou je respecte au minimum les apparences pour mon administration, mes problèmes professionnels et humains disparaissent totalement …..A 60 ,sur le Maroni sur un poste que bien peu de médecins souhaitent obtenir, ce serait, de ma part, une faute contre la vie de ne pas laisser consciemment se faire ce que ma nature me demande sous le prétexte de multiples difficultés logistiques .
Et puis il y a aussi « la Nature » , la « conquête de l’ouest » , l’aventure intérieure qu’elle suppose et « supporte » pour moi , l’ouest guyanais , au cœur du massif des Guyanes , terre imprécise où s’égarent les mots , où se perdent en masses compactes les cumulus géants , terre de tous les fantasmes , sans cesse balayée par son vent d’est : Alizé du nord-est en saison des pluies , du sud-est en saison sèche . Ici règne sans partage le « peuple du fleuve » , Africains intimement redessinés ou « redestinés » par et sur les fleuves du « gaan konde » : le « grand pays » du Maroni et du Tapanahoni, refuge inviolable des esclaves libérés ( quand on pense qu’un des motifs qui ont contribués à faciliter dans ce pays un vaste mouvement de libération à été le fait que pour échapper à certains impôts les colons avaient pris l’habitude d’envoyer se cacher dans la forêt une grande partie de leur esclaves ……Le cordon ombilical , la sève nourricière , le seul chemin de vie pour eux , c’est l’axe Tapanahony –Maroni ! On n’aurait jamais dû parler des « bushinengués » : nègres des bois, mais bien des « libanengués » : nègres du fleuve. En ce pays on ne connaît pas le Nord ou le Sud, on dit aller"tapsei» en haut vers l’amont ou « belowsei»en bas vers l’aval, on ne nomme jamais un saut avant de l’avoir réellement franchi !



Qu’aurais-je donné pour vivre un peu plus tôt, avant l’ère « Yamaha », ses moteurs « hors bord » omniprésents, voir, sur leurs pirogues ces dizaines d’hommes robustes et fiers domptant à la pagaie, à la perche (takiri) et au tambour, des flots rétifs et sournois.
Aujourd’hui , on reste limité en matière de pirogue par la taille des arbres qui servent à sa construction : la pièce maîtresse reste toujours un tronc d’Angélique , le géant de la forêt, évidé , ouvert au feu , rehaussé des pièces de bordés , appareillé de superbes , élégantes et massives pièces de poupe et de proue décorées . On est limité à 16 ou 18 mètres environ au maximum , métalliqueavec un moteur de 95 CV ,on y embarque facilement jusqu’à 6000 litres de carburant en fûts métalliques , pour les centrales électriques de Maripasoula ( le saut du palmier Maripa) , Papaïchton ( le rocher du Papayer ) , Grand santi ( les grands sables) et …Apatou. Pour un camion ou une pelleteuse, on mettra bord à bord deux pirogues de fret équipées de deux moteurs de 95 ou 115cv !
Il m’est arrivé, perdu dans ma contemplation du fleuve au crépuscule, de voir passer au fil du courant, des fûts dérivants, témoins muets d’un naufrage ou d’un mauvais arrimage !
En définitive, c’est encore le fleuve qui commande, qui garde le dernier mot, d’où la valeur irremplaçable, du savoir-faire en matière de construction traditionnelle de pirogues (toujours très active dans tous les « campous » et en matière de navigation au milieu de pièges multiples .

En juin dernier le recteur d’académie a fait naufrage sur le Maroni .A l’approche d’un saut en remontant , le piroguier a hésité à l’ultime seconde entre deux étroits passages et pris le mauvais , le navire s' est retourné envoyant tous ses passagers s’éparpiller à la dérive dans un fort courant , ils avaient heureusement tous un gilet de sauvetage et progressivement , au hasrd de pirogues de passage , tous ce petit monde a été recueillie ( à ce propos , comment faire pour avertir qu’on a fait naufrage sans le moindre téléphone à des dizaines de Km à la ronde ?) Ici on ne parle pas de téléphone arabe, mais de téléphone pirogue…..

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