Le plus dangereux dans le Piranha, ce sont ……les arêtes !


Le plus dangereux dans le Piranha, ce sont ……les arêtes !



Le redoutable prédateur se pêche à Apatou comme une misérable truite, à la cuillère, à la mouche, mais quand même ça mort mieux avec un morceau de viande de poulet, il a évidemment de petites dents bien pointues mais une fois sorti de l’eau, ce poisson n’a pas une saveur extraordinaire, il serait mieux de le laisser à sa place remplir sa tâche de charognard. Ceci dit , l’animal pas plus que les rares caïman surtout familiers des petites criques , n’empêche pas, surtout dans les kampoes qui s’égrènent entre Saint Laurent du Maroni et Apatou , la population locale de faire au bord du fleuve sa lessive , sa vaisselle , sa toilette et ……ses besoins naturels à l’aube et au crépuscule . Je n’aime pas du tout tuer et vider ce poisson , c’est pourquoi j’évite dorénavant de passer trop près au crépuscule du site de pêche préféré de Pierre , médecin Alsacien qui vient régulièrement de Bischwiller faire des remplacement ici en même temps que perfectionner sa technique de pêche au Piranha …….

Pour cela, à l’heure de grande pêche je préfère m’éloigner un peu au Nord du bourg, vers la pointe qui guette l’arrivée des pirogues, retour du littoral, à ras bord saturés d’hommes et de marchandise. J’y passe une heure chaque soir, veillant le crépuscule. J’y contemple en silence le fleuve, la forêt de l’ouest et le ciel immense, théâtre quotidien d’une symphonie chaque jour différente. Il faut savoir savourer les mouvements successifs de ce majestueux concert céleste,

Quelle émotion lorsque l’on croit posé le dernier accord et que très haut, d’ouest en est, d’immenses rubans bleu sombre modulent en étoile, une ultime cadence !
Un peu plus tard va se lever à l’est le triangle d’hiver, Rigel, Procyon, Sirius, se coucher à l’ouest le scorpion majestueux croisant la voie lactée.

En bas, dans le vieux bourg, un homme est couché mort à même le sol, enveloppé d’un drap dans le carbet mortuaire, trois hommes rythment sur leur tambour la danse des proches qui font cercle et tournent sans cesse en parlant de la mort : « A dede, a dede, namo, yere , yere bun ! . Oui, il est mort aujourd’hui, la mort est là comme d’habitude, écoutez bien ». Toute la nuit on parlera de lui en dansant en chantant, improvisant sans cesse, déroulant à l’infini l’écheveau de la mémoire du défunt : « A taki, a taki, a meki …. » Il a dit, il a dit, il a fait …. Comme pour s’approprier sa mémoire, la prendre collectivement en charge. On boit, on mange, on répand du rhum sur le sol …….

Quelques jours plus tard , lors d’une visite en amont , à une heure de pirogue , à Langa Tabiki ( littéralement : la grande île) , Ile surinamienne , avec notre ami Tipaï , notre guide , un enfant du fleuve , on rencontre le chef coutumier : le capitaine , il nous salut rapidement puis se dirige vers la berge du fleuve , fait trois fois « Hum , hum hum » pour s’excuser , puis annonce au fleuve que la mort est passée une fois de plus dans la communauté ( en l’occurrence son père ) , ensuite seulement il refera la même annonce pour la population aux quatre coins du village demandant à chacun de bien vouloir venir au carbet du conseil du « Grand man » pour que l’on, commente l’événement et que l’on discute des modalités des funérailles ..

Tout se passe comme si ce « peuple du fleuve » articulait sa vie sur deux grands axes :
-le long fleuve pas forcément tranquille marque la vie terrestre , du haut ( l'amont au sud , la naissance ) au bas ( l’aval au Nord , la mort) , on ne se déplace quand on voyage que vers le haut ( tapsei) ou vers le bas ( belowsei) , jamais ou presque dans une autre direction car on est bloqué par l'impénétrable forêt.
- La course du soleil qui se lève rive droite, plein est, passe sur le méridien au zénith, à midi, à la verticale du fleuve, et se couche rive gauche, plein ouest. Cela sans modification sensible toute l’année . Cette course marque la vie intérieure du peuple du fleuve , il salut le soleil le matin en cheminant vers son « abatis » , et donne au soleil couchant le plus subtil de lui-même , il n’est pas rare d’entendre des personnes accroupis face à lui , marmonner quelques paroles …….
Plus tard, une femme assise au bord du fleuve, un perroquet à la main, me tendra un papier : « Datta ! na de wan pamplila fu gi fu a Fanchina » « Docteur, c’est un papier à donner à Francine » (mon aide locale à la PMI d’Apatou …..Je regarde, c’est le compte rendu d’une échographie faite il y a quelques temps à St Laurent du Maroni, à plus de trois heures de pirogues d’ici, effectivement elle est au moins enceinte de quatre mois, je lui dit de garder le papier et de passer me voir la semaine prochaine à Apatou !

J’ai dit au capitaine Joseph Anapaye , le vieux chef coutumier d'Apatou que je souhaitais rencontrer un jour , lorsque je serai un peu mieux inséré dans la société locale , que je maîtriserai un peu plus la langue locale , quelques guérisseurs , les « obiaman » qui prescrivent entre autre des édicules de branches et d’étoffes ayant été utilisé par les « demandeurs » à disposer dans le sable , au bord du fleuve , face au couchant….., il m’a paru trouver cela normal de la part d’un médecin censé se préoccuper de la santé de la population, on en reparlera dans quelques mois ……

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